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Le blog d'Emmanuelle

Chimpanzés story : reflet d’une société en état de crétinisation avancée

22 Février 2013 Publié dans #Détente, #Ecologie

Je suis allée voir Chimpanzés, le dernier film de Disney nature. Bon, je m’attendais pas à voir une révolution cinématographique. Mais j’avais pu constater en voyant Félins l’année précédente que, si les labos de recherche en écologie n’ont pas le matos adéquat pour aller sur le terrain faute de moyens, ce n’est pas le cas de Disney. La qualité des images m’avait tout simplement bluffée. C’est donc dans l’espoir d’approcher les chimpanzés comme jamais que je me suis installée sur le fauteuil rouge à 10,90 euros (bien au milieu de la salle, à la meilleure place, celle pour laquelle vous paierez bientôt 2 euros supplémentaires). Dès les premières minutes du film, j’ai compris : nous ne saurons rien des chimpanzés. De l’état affligeant dans lequel se trouve notre société humaine, en revanche, si.

Nous découvrons vite le héros, Oscar. Vous savez, comme les fameuses statuettes. Déjà tout un symbole… Oscar n’est qu’un bébé chimpanzé mais le narrateur nous promet qu’il aura une destinée différente des autres (ben oui, sinon ça serait chiant). On pourrait s’émerveiller de ce petit bonhomme accroché aux poils de sa maman. On ne s’émerveille pas. Non, on croirait plutôt regarder une émission de télé-réalité sur TF1 ou M6, avec les mêmes commentaires débiles. Pas un instant l’esprit n’est libre d’aller à la rencontre de ces chimpanzés. Tout est commenté par une voix insupportable, jusqu’à l’écœurement. On dépasse même l’anthropomorphisme. Consternée, j’écoute le narrateur imposer aux chimpanzés les pires clichés d’une société malade.

Le manichéisme, d’abord. Oscar et son groupe sont « nos amis ». Mais de l’autre côté de la crête, règnent Scar (vous vous rappelez, le méchant du Roi Lion) et « son gang ». Eux n’ont qu’une ambition : s’approprier le bosquet de noyers très nutritifs qui appartient pourtant à « nos amis ». A noter que le narrateur réussit l’exploit de placer le terme « propriété privée » au milieu de la jungle. Un rappel salutaire pour ceux qui croiraient que la forêt est à tout le monde. Scar et sa bande donc, les dangereux ennemis. Qui avancent vers « nos amis », pour trouver de la nourriture. S’arrêtant sur un figuier, ils profitent de ses fruits, sous le regard horrifié du narrateur : « nos amis comptaient sur ses fruits, mais Scar n’en a que faire ». Heu… pourquoi Scar devrait-il se soucier du bien-être d’un autre groupe de chimpanzés quand cet autre groupe ne se soucie pas du sien ? Tout le long du film il n’y aura aucune place pour la nuance, pour le discernement, pour la réflexion. Les gentils chimpanzés d’un côté, les méchants de l’autre. Point.

Le sexisme aussi. Les femelles sont exclusivement présentées dans un rôle unique : maman. Pourtant, le film montre qu’un vieux mâle va prendre la relève de la mère d’Oscar dans son éducation. Une occasion inespérée d’atténuer les clichés genrés ? De constater que finalement les mâles sont également capables de s’occuper des petits ? Non, il s’agit d’un exploit. On encense ce vieux mâle dominant qui, s’occupant d’un petit, délaisse son rôle de chef. On l’accuse presque de s’être laissé aller à pareille ineptie. Tout le monde est à sa place chez les chimpanzés. Et quand les mâles reviennent de la chasse, que font les femelles pour avoir leur part selon Disney ? Elles usent de leur seul atout : « le charme féminin ». On s’étonne que le film ne montre aucune femelle siliconée, façon pub Orangina.

La culture dominante est la culture des dominants. Ce n’est pas Bourdieu qui a dit quelque chose de ce genre ? Ce que Chimpanzés nous donne à voir, enveloppée dans le manichéisme et le sexisme, c’est l’étroitesse de la culture occidentale dominante. Disney possède des moyens techniques époustouflants et ne se prive pas de le montrer avec des accélérés incroyables, des prises de vue uniques. Du diamant brut, de quoi faire une œuvre intense, d’aller vraiment à la rencontre des chimpanzés. D’alerter sur leur déclin et sur ses causes. Une phrase, bien cachée vers la fin du générique, donnera le nombre de chimpanzés en 1960 et leur nombre actuel, dramatiquement plus bas. Mais seuls les quelques spectateurs restants jusqu’au bout l’apercevront. Qui s’en soucie de toute façon ? Il n’y a que des happy ends chez Disney.

J’aurais voulu que ce film soit muet. M’immerger dans la forêt tropicale à observer ces chimpanzés. Vibrer avec eux, ressentir leurs émotions, découvrir leurs jeux, comprendre leurs mœurs. Plonger dans leurs beaux yeux humides qui, si nous les écoutons, disent tout. Aller à leur rencontre, comme on rencontre l’Autre, l’esprit ouvert et curieux. Que retiennent les enfants de Chimpanzés ? Que l’Autre n’existe pas. Que regarder TF1 ou vivre dans la jungle, c’est la même chose. Que, tout comme nous, les chimpanzés sont des abrutis. Mais nous au moins, on a Disney.

Affiche du film Chimpanzés, de Disney nature

Affiche du film Chimpanzés, de Disney nature

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